Simuler des médicaments pour mettre fin à la maladie

Étude de cas du RNRE par ACORN-NL

L’action des médicaments au niveau moléculaire ressemble à une boîte noire : habituellement, on se fie sur les résultats des expériences pour tenter de comprendre comment le médicament agit, au lieu de le découvrir physiquement. On sait, par exemple, que les substances contenant du lithium atténuent les symptômes de la dépression bipolaire, sans vraiment saisir le mécanisme par lequel elle viennent en aide au cerveau. Conséquence : les scientifiques doivent effectuer une foule d’expériences pour réunir les pièces du casse-tête et brosser un tableau des interactions du médicament avec le patient.


Pourquoi n’arrive-t-on pas à élucider le fonctionnement d’un médicament au niveau moléculaire? Il y a plusieurs raisons à cela. Par exemple, il est impossible d’étudier de tels processus chez le malade. D’autre part, il est incroyablement difficile d’observer le fonctionnement des molécules pharmaceutiques à l’échelle sous-microscopique. Enfin les interactions chimiques se produisent à une vitesse extrêmement grande. Parce que le tableau des interactions médicamenteuses est incomplet, la découverte d’un nouveau médicament devient donc très laborieuse, s’accompagne d’effets secondaires malheureux qui n’apparaissent que lors des essais et certaines expériences, en dépit de leur utilité, deviennent irréalisables.

Qu’est-ce que le RNRE?

Le Réseau national de recherche et d’éducation (RNRE) est un regroupement d’infrastructures, d’outils et de personnes d’une importance capitale dont la raison d’être est de rehausser le leadership du Canada dans les domaines de la recherche, de l’enseignement et de l’innovation. Les partenaires du RNRE canadien coopèrent afin de rendre cette infrastructure indispensable encore plus sûre. Un projet pancanadien sans précédent dans l’histoire est en cours pour assurer une surveillance coordonnée des menaces qui pèsent sur le réseau.

Médicaments numériques

Tout cela explique pourquoi les spécialistes en chimie biophysique computationnelle de l’Université Memorial à Terre-Neuve ont conçu un modèle informatique des systèmes biologiques simulant l’activité des médicaments à l’échelle moléculaire. En numérisant les interactions des molécules, les chercheurs reproduisent ce qu’ils ne peuvent observer dans la réalité. Ils reconstituent n’importe quel processus biologique comme l’absorption des médicaments par la membrane cytoplasmique et d’autres membranes, et créent image par image une visualisation de ces processus, peu importe la rapidité à laquelle ils surviennent ou leur complexité.

Comme on pourrait s’y attendre, effectuer et conserver chaque simulation reproduisant avec précision des millions de molécules qui bougent extrêmement vite à l’échelle de l’atome exige d’importantes ressources informatiques. Dans cette optique, les chercheurs de l’Université Memorial exploitent celles d’ACORN-NL, partenaire terre-neuvien du Réseau national de la recherche et de l’éducation (RNRE), qui, avec d’autres partenaires, permet aux établissements d’enseignement supérieur canadien d’accéder à un réseau ultra rapide. Grâce à ACORN-NL, les scientifiques de l’Université Memorial exécutent leurs simulations à distance sur le nuage informatique de Calcul Canada et tirent parti d’appareils beaucoup plus performants, dont ils adaptent la puissance en fonction de leurs besoins. On utilise aussi le réseau ACORN-NL pour l’analyse, car il autorise le transfert des jeux massifs de données correspondant aux simulations et aux films virtuels des interactions atomiques entre l’ordinateur des chercheurs et le nuage.

La puissance du laboratoire virtuel

Les simulations aident les scientifiques à déterminer les particularités structurales de la molécule du médicament qui expliquent son activité dans le corps humain. On s’en servira pour modéliser la manière dont les médicaments interagissent dans l’organisme, de leur passage dans l’estomac à la traversée de la membrane des cellules pour gagner leur cible. Les simulations facilitent et accélèrent notablement le tri de millions de composés en vue d’isoler ceux qui pourraient se transformer en médicament dans des situations précises. Les chercheurs peuvent donc se concentrer sur la poignée de substances très prometteuses repérées durant la simulation, au lieu de les tester toutes, une à une, avec les coûts exorbitants qu’on imagine. L’ordinateur, à qui rien n’échappe, peut aussi identifier de façon fiable les phénomènes extrêmement rares lors de la simulation, donc repérer les événements sporadiques, mais capitaux pour l’étude. Ensuite, les chercheurs élaborent de nouveaux algorithmes pour orienter la simulation sur ces phénomènes qui, en dépit de leur rareté, ont souvent de sérieuses conséquences.

Les possibilités qu’offrent les simulations aident les chercheurs à forger de nouveaux médicaments, plus efficaces ou plus faciles à fabriquer. Ils peuvent aussi prédire le comportement des médicaments existants lors de nouvelles applications ou modifier ces derniers pour en atténuer les effets secondaires indésirables – autant de réalisations qui rehausseront non seulement la qualité de vie des Canadiens ordinaires, mais aussi le bien-être de l’humanité, en général. Les scientifiques du monde entier qui cherchent de meilleurs médicaments pour mettre fin à la maladie comptent sur l’aide des contributions canadiennes en biophysique computationnelle. Et les biophysiciens canadiens comptent sur ACORN-NL et le RNRE du Canada pour leur faciliter la tâche.