Apprendre et travailler ensemble : les organisations de logiciels scientifiques dans le monde

Billet de Scott Henwood | Directeur, Logiciels de recherche

Les organisations de logiciels scientifiques dans le monde

Mes précédents billets portaient sur les logiciels de recherche au Canada, mais les difficultés et les possibilités qui s’offrent à nous ne diffèrent guère de celles qu’on trouve ailleurs dans le monde. C’est pourquoi je vous propose un tour d’horizon de trois organisations étrangères avec lesquelles CANARIE coopère dans le cadre de son programme Logiciels de recherche. Bien que leur structure et leur approche à l’excellence en logiciels scientifiques soient radicalement différentes, ces organisations tentent de résoudre des problèmes fort similaires aux nôtres.

Le Software Sustainability Institute (SSI) du Royaume-Uni

Après avoir constaté que sept chercheurs sur dix ne pourraient poursuivre leurs recherches sans logiciels, le gouvernement britannique a créé le SSI en 2010, se dotant d’un organisme national en mesure de faciliter le développement et le maintien de meilleurs logiciels scientifiques. Depuis, le SSI est devenu un chef de file international dans les logiciels destinés à la recherche. Parallèlement à ses travaux sur la pérennité des logiciels (disponibilité à long terme, perfectionnement et soutien technique) le SSI appuie aussi des initiatives dans les domaines que voici.

  • Compétences et formation – Quoique des programmeurs professionnels se consacrent à la création de logiciels pour la recherche, beaucoup de chercheurs ne possédant que des rudiments d’informatique rédigent leurs propres programmes. Grâce à la formation dispensée par le SSI, ces profanes réussissent à développer et à maintenir efficacement les logiciels qui faciliteront leurs travaux.
  • Pratiques exemplaires et planification – Divers ateliers rassemblent chercheurs, programmeurs, inventeurs, gestionnaires, bailleurs de fonds, éditeurs, chefs de file et éducateurs pour qu’ils collaborent, explorent les règles de l’art et discutent de l’avenir des logiciels de recherche.
  • Vulgarisation – Un programme de bourses aide les chercheurs en informatique à perfectionner leurs talents en programmation et à promouvoir les logiciels qu’ils destinent à la recherche. Plus récemment, le SSI a commencé à coopérer avec des groupes d’autres pays pour les aider à mettre sur pied leur propre organisation nationale de logiciels scientifiques.
  • Carrière en logiciels de recherche – Le SSI épaule directement la United Kindgom Research Software Engineer Association (UKRSE), regroupement qui milite pour la reconnaissance des créateurs de logiciels scientifiques et leur permettre de faire carrière dans le milieu universitaire.

Qu’est-ce qu’une « passerelle scientifique »?

Aussi connue sous les expressions « environnement de recherche virtuel », « laboratoire virtuel » ou plateforme de recherche, la passerelle scientifique est une importante collection de logiciels effectuant la majeure partie du travail des chercheurs. Habituellement, la passerelle scientifique donne accès à des composants de l’infrastructure numérique comme les centres de calcul informatique de pointe, les installations de stockage et les capteurs. Elle procure aussi des services facilitant la collaboration des chercheurs, comme des forums de discussion et l’accès à une banque de données communes. Aujourd’hui, la passerelle scientifique allège le plus souvent la tâche des chercheurs dans une discipline donnée ou dans une série de disciplines connexes.

L’International Coalition on Science Gateways (ICSG)

Bien que les organisations énumérées dans cette liste fassent partie de la collectivité internationale, la plus internationale de toutes est sans doute l’ICSG. En effet, cet organisme réunit des initiatives nationales en vue de donner une orientation future aux passerelles scientifiques, de mieux faire connaître les problèmes liés à leur exploitation et à leur développement, et de diffuser les pratiques exemplaires en la matière.

Puisque la recherche dépend de plus en plus des logiciels, les passerelles scientifiques permettent au profane d’accéder aux éléments de l’infrastructure (centres de calcul de pointe, installations de stockage, capteurs) dont il a besoin pour mener à bien ses travaux. Les passerelles scientifiques jouent donc un rôle de plus en plus crucial en recherche computationnelle. Pour documenter les politiques portant sur la recherche, son financement et l’infrastructure numérique, l’ICSG s’efforce de faire rayonner le plus possible le concept de passerelle scientifique et d’en vanter l’utilité.

Avec pour membres l’Australie, plusieurs nations d’Afrique, le Canada, la Nouvelle-Zélande, Taïwan, le Royaume-Uni (et d’autres pays européens) et les États-Unis, l’ICSG se veut une tribune internationale qui alimente le débat sur les aspects suivants :

  • Prendre les devants pour orienter l’avenir des passerelles scientifiques – les passerelles scientifiques sont souvent élaborées sous la direction des chercheurs qui en ont besoin. Les programmes nationaux, régionaux et internationaux de développement ne manquent pas et le nombre de passerelles ne cesse de croître dans divers champs de recherche. Grâce à l’ICSG, les membres de ce milieu peuvent se regrouper et exercer leur influence sur la réglementation et les politiques de la planète entière.
  • Faire connaître les progrès des passerelles scientifiques aux paliers international, national et régional – Parfois, une passerelle existante, ses composantes ou son architecture suffisent à satisfaire les besoins d’autres chercheurs ou développeurs. Savoir ce qui est disponible peut déboucher sur des collaborations qui, au bout du compte, accéléreront la recherche.
  • Identifier et partager les pratiques exemplaires en développement de passerelles scientifiques – Le plus souvent, la passerelle est un outil qui facilite la recherche plutôt qu’un sujet de recherche en soi. Sachant cela, les chercheurs souhaitent consacrer aussi peu de temps que possible à sa création. Avoir accès au savoir d’autrui peut accélérer les choses.

Le Science Gateways Community Institute (SGCI)

Le SGCI est une organisation américaine essentiellement subventionnée par la National Science Foundation. Sa fondation remonte à 2016 et sa mission consiste à procurer des ressources, de l’expertise, de l’aide et de la formation à ceux qui mettent au point des passerelles scientifiques. Organisme de services, le SGCI offre les siens à toutes les passerelles, quel que soit leur mode de financement. Voici un aperçu de ses services.

  • Conseils sur la technologie, la planification des affaires et la gestion de projet – Concevoir une passerelle exige des talents variés, mais l’équipe poursuivant un tel projet a rarement les moyens de payer des experts à temps plein. Les clients du SGCI peuvent consulter des spécialistes sur divers aspects comme la convivialité, la cybersécurité, le choix d’une technologie, le développement d’une communauté et la planification des affaires. Ils obtiennent donc l’expertise dont ils ont besoin au moment voulu pendant toute la durée du projet. Ceux qui s’inscrivent au camp d’entraînement d’une semaine de l’Institut participent à des activités pratiques qui les aideront à convaincre les intervenants de l’utilité de leur travail ainsi qu’à échafauder un plan solide de développement, d’exploitation et de durabilité.
  • Soutien élargi aux développeurs – Le SGCI peut jumeler certains de ses employés à des clients pour une période de six mois à un an, dans le cadre d’un projet de développement coopératif. Pendant ce temps, le personnel du SGCI dispensera une assistance pratique au client pour l’aider à bâtir et à peaufiner une passerelle, lui laissant le soin de maintenir le logiciel par la suite. Le travail effectué est technologiquement agnostique, c’est-à-dire qu’on opte pour la meilleure approche en fonction du client.
  • Hébergement de passerelles – Le SGCI sert de site d’hébergement, notamment aux images de machines virtuelles déjà peuplées de logiciels qu’on utilise pour bâtir les passerelles. Cette plateforme de développement autorise la création rapide de prototypes et la migration vers un environnement de production.
  • Aide aux institutions qui mettent sur pied des groupes locaux de développement de logiciels scientifiques – Beaucoup de passerelles voient le jour sur les campus universitaires, mais le travail s’effectue souvent en isolement et les développeurs travaillent directement avec les professeurs de divers départements de l’université. Il y a éparpillement des talents, si bien que les développeurs ont peu de contacts entre eux. La constitution d’équipes plus centralisées ou d’organismes matriciels permet de regrouper un savoir-faire varié en vue du développement d’excellentes passerelles. De cette façon, on exploite au mieux le temps des développeurs et les chercheurs de même que les membres du corps professoral qui souhaitent bâtir une passerelle disposent d’un plus vaste bassin d’experts.
  • Répertoire des passerelles disponibles – Il arrive qu’une plateforme existante convienne à merveille aux besoins d’un chercheur, mais encore faut-il que celui-ci en connaisse l’existence. Pour orienter les chercheurs dans la bonne direction, le SGCI a créé un répertoire des passerelles scientifiques à l’adresse sciencegateways.org. Les développeurs y vantent les propriétés de leur création, ce qui favorise sa réutilisation tout en évitant de réinventer la roue.
  • Colloques, webinaires, soutien aux développeurs – Les programmeurs les plus chevronnés eux-mêmes doivent se tenir au courant des plus récentes tendances en recherche et en informatique. Les colloques donnent la chance de côtoyer des collègues d’autres secteurs et d’apprendre de nouvelles choses grâce à des didacticiels, des exposés et des affiches. Les colloques constituent aussi l’occasion de publier ses travaux, notamment dans le numéro annuel spécial d’un périodique mettant en vedette les contributions internationales.

Collaborer

Ce qui précède n’est en aucun cas une liste exhaustive des organisations internationales œuvrant dans le domaine des logiciels de recherche. CANARIE est toujours en quête de collaborations avec l’étranger. Donc, si vous faites partie d’une organisation non mentionnée ci-dessus, il nous fera plaisir de nous entretenir avec vous.

En savoir plus

Remerciements

L’auteur tient à remercier les personnes que voici pour leurs suggestions et la relecture de ce document :

  • Simon Hettrick, sous-directeur et responsable des politiques et des communications, UK Software Sustainability Institute
  • Nancy Wilkins-Diehr, directrice, Science Gateways Community Institute
  • Michelle Barker, sous-directrice, Research Software Infrastructure, NeCTAR